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A . Comme Austen et Anna

Pour une amie qui traverse une période difficile ...

Au printemps dernier, France Loisirs a eu la bonne idée de proposer à ses adhérents une nouvelle inédite d'Anna Gavalda, en cadeau. Elle est disponible sur PriceMinister.

"Désordre et sentiments" est le récit trop court , d'une folle aventure entre deux soeurs, drôles et originales qui décident de se venger de l'ex de l'une. Elles sont complices et enjouées. Comme toujours, se plonger dans un texte d'Anna Gavalda, c'est faire le plein de petits choses qui font sourire. Ecrit peut-être un peu vite ... Je ne sais pas si c'est le format qui veut ça ou le vocabulaire utilisé mais l'ensemble n'est pas égal. Reste ce passage, si délicieux pour les fans de Jane ...

 

" Ma soeur et moi sommes de grandes romantiques.

[ ...]

 

Est-ce que vous connaissez Jane Austen ? Est-ce que vous avez lu Raison et sentiments, Orgueil et préjugés ? Non ? Emma, peut-être ? Non plus ? Dommage car cela vous aurait donné une idée parfaitement juste de notre sensiblité et de la valeur de notre belle amitié.

Dans les romans de Jane Austen, il y a toujours un moment où l'une des soeurs, souvent la plus âgée, console sa cadette des tourments amoureux qui l'affligent en la raisonnant tendrement (Tenderly en vo).

La scène se passe dans une chambre, à la lumière vacillante d'une chandelle en vieux suif, et la grande soeur sensée brosse les cheveux de la petite ecervelée en lui rabâchant des trucs comme ça : Réflechis, ce baronnet n'est peut-être pas aussi classieux qu'il en a l'air ... Ou : Mais la vie, ce n'est pas comme dans tes sonnets de Shakespeare ... Ou bien : Je te l'accorde, le colonel Brandon est moche comme un pou (a louse) (!), mais reconnais qu'il a de gentilles attentions ... Ou encore : Tu devrais broder ton trousseau plutôt que de t'esquinter les nerfs à te languir après l'amour, tu le sais, pourtant que notre dot n'est pas very big ...

Le vent souffle, la lande grince, des courants d'air glacés courent le long des plinthes, la brique tiédit à peine les draps humides, les domestiques fricotent dans la sellerie, le feu se meurt, la dèche de leur papa, le petit écusson de campagne qui leur tient lieu titre leur bouchent l'horizon et la période des bals est bientôt terminée ... L'équation est simple, implacable : Jeunesse sur Grands Rêves moins la Dot égale Petite Vie. Gentil pasteur , mignon jardin, gentille paroisse au mieux, sinon ... Sinon vieille fille, Moustache, cancans, soupirs, tambours aiguillés, ventres vains et aigreur sous le gras.

Pas de rentes, pas d'atout. Pas d'atouts, fin de partie.

Elles le savent. Elles savent tout cela. Mais elles s'en fichent : elles sont nulles en maths ! Elles sont belles, elles sont spirituelles, elles sont intenses. Les coeurs battent, les rires fusent, les mains se pressent, les tresses s'allongent et les frissons changent de camp. Les gla gla gla se transforment en gloussements et les angoisses en hi hi hi. La nuit sera longue ? Ca n' a pas la moindre importance. Elles sont ensemble, elles s'adorent le poète le leur a promis : water cools not love ...

Nous sommes comme vous, Elinor, Marianne, Jane et Elizabeth, nous ne dénouons plus nos jupons et les arrière-salles de bar ont remplacé les jolis cottages, mais nos rires résonnent aussi loin, aussi pur, aussi haut que les vôtres.

Nos secrets sont les mêmes, nos dots sont aussi minables, notre avenir est aussi incertain mais Shakespeare, cinq siècles plus tard, tient toujours la chandelle au bord du lit : coucher ou ne pas coucher le premier soir, telle est la question.

Comme vous, nous lisons Shelley, Keats et les soeurs Brontë. Comme vous, nous virevoltons dans les offices, enfournons des gâteaux, servons le thé avec un nuage de lait et nous jouons même aux dominos s'il le faut. Nous égayons les gens tristes, nous caressons des paumes, nous arrimons des bras, nous tirebouchonnons nos mouchoirs humides, nous cachons sous nos grossiers paletots des rubans, des médaillons, de minuscules boutons de roses et le satin et la gaze, et l'organdi froufroutent encore sous l'usure de nos jeans troués. "

 

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A relire les jours de pluie.

Commentaires

  • Très chouette passage, aux vertus tellement réconfortantes. J'ai la nouvelle aussi et je ne sais pas pourquoi, je ne l'ai pas encore lue... Peut-être un jour de pluie alors :-)

    Bisous

  • Mouai, depuis quand les héroïnes d'Austen lisaient les soeurs Brontë ? (désolée)

  • J'aime beaucoup Jane Austen. Gavalda par contre un peu moins. J'ai lu "J'aimerais que quelqu'un m'attende quelque part", c'était bien pour la plus part mais j'en ai pas raffolé... :)

  • Merci pour ce joli passage :-).
    J'ai beaucoup aimé "Ensemble c'est tout" et "Je l'aimais" de Gavalda. Dans "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part", j'avais aussi trouvé une expression géniale (je ne me souviens plus dans quelle nouvelle exactement) : "Ce mec, on l'appelait Poêle Tefal, parce qu'il ne s'accrochait jamais." :-)
    Bon week-end !

  • bel article, merci.

  • Je l'ai eu en cadeau pour l'achat d'un livre chez France Loisirs.
    Je trouve incroyable que des gens le vendent pour 3€ sur le Net.
    D'autant que ce minuscule bouquin, qui tient plus de la nouvelle, ne fait pas vraiment honneur au travail de l'auteur... A moins que son style ne se soit dégradé depuis ses débuts.

    Personnellement, je n'ai pas du tout aimé ce petit récit.
    Ce n'est pas tant l'histoire raconté mais plutôt le vocabulaire choisi par Gavalda qui me semble discutable (comme tu l'as toi-même fait remarquer).
    Le passage que tu cites ici, et dont tu as omis volontairement certaines phrases, est bien le seul qui soit appréciable.
    Je veux bien que ce récit ne se veule pas sérieux mais pourquoi employer un tel vocabulaire pour décrire un clochard ("un clodo éructant, maculé de bave, d'urine et de vieilles croûtes de chiasse") ?
    Ça me fait désagréablement penser à cette tendance "porno-chic" chez la parisienne moderne. Je suis très loin d'être prude mais ma tolérance à la vulgarité a des limites.

    Bref, ta citation reprend un passage très beau. Heureusement, puisqu'il évoque notre auteur et nos héroïnes préférées.
    Merci ! ^__^

  • C'est drôle, je n'aime pas le style d'Anna Gavalda, je n'ai même pas réussi à lire "Ensemble, c'est tout" en entier (et pourtant, j'avais beaucoup aimé le film). Je ne connais pas la nouvelle donc. Mais j'aime beaucoup le passage que tu cites. Je me reconnais (beaucoup) dedans, et il m'a fait sourire. :)
    Merci donc. ;)

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