Je la connais (presque) par coeur...

Alors que je faisais découvrir à ma mère, Blue, le cd de Joni Mitchell que je me suis enfin décidée à commander et qui est magnifique, elle a eu cette simple phrase qui a m’a laissée assez surprise «  Tu ne trouves pas que sa voix rappelle celle de  Joan Baez ? Si, si, l’ensemble ressemble vraiment  à du Joan Baez, c’est joli et très doux en tout cas… ».
L’espace d’une seconde, j’ai été tellement étonnée que j’ai failli lui répondre en riant  « Mais depuis quand écoutes tu Joan Baez ?  »
Et le souvenir d’une vieille cassette audio qu’elle passait quand j’étais enfant m’est revenu en mémoire…

Elle parle facilement de ses jeunes années, partage ses souvenirs avec ma grand-mère ou l’une de ses sœurs et même si je connais des anecdotes et les grandes lignes de sa vie avant mon arrivée, j’ai toujours du mal à concevoir qu’elle a été une jeune femme qui avait ses rêves, des doutes, ses envies, bref qu’elle s’est peut être posée les mêmes questions que moi, qu’elle a peut être eu les mêmes certitudes…

Si je sais que j’ai été un bébé désiré, aimé, sans doute surprotégée depuis ma petite enfance, quelle personne était elle vraiment avant de devenir ma mère ? Avait-elle déjà cette tendance à veiller sur les autres, à leur dire de mettre leur écharpe avant de sortir ?

Adolescente, elle était sérieuse et responsable, elle était l’aînée et se montrait à la hauteur, elle aimait lire, travaillait bien en classe (même si ses versions de latin lui donnaient des sueurs froides) et se disputait avec sa sœur plus dissipée qui écoutait « Salut les copains » en faisant ses devoirs. Elle était jolie et suivait la mode des petites robes adorables des yéyés , a passé son bac en juin 1968. Au début des années 70,  son papa est parti trop tôt, trop vite, laissant un chagrin immense et une vie nouvelle à construire.

Mais comment était-elle quand elle avait entre 20 et 30 ans ? Je sais des trucs futiles comme le fait qu’elle aimait toujours autant les jolis vêtements et quand je vois des photos de cette époque, j’ai du mal à comprendre comment elle pouvait avoir si peu confiance en elle alors qu’elle était si belle…
C’est facile de dire que sa mère est la plus jolie mais si ses sourires sont réservés, on sent bien en voyant les clichés de l’époque, qu’il se dégage d’elle une élégance certaine. Ses traits fins, ses longs cheveux soyeux avec de jolis mèches dorées, un maquillage aussi discret que ses bijoux mais toujours cette forme de « grâce » que je n’ai jamais eu sur aucune photo. Si elle avait eu conscience de la personne extraordinaire qu’elle est aujourd’hui, aurait elle vécu sa vie différemment ? Aurait elle prit le temps d’écouter vraiment les douces chansons de Joan Baez au lieu d’y prêter une oreille distraite en préparant le dîner, aurait- elle prit soin d’écouter ses propres envies avant celles des autres, aurait-elle pris un chemin différent ?

Aurait-elle aimé être une hippie avec des tresses dans les cheveux ? Dit comme ça, tout le monde sourit. Moi la première qui aime la taquiner sur son petit côté « fille de bonne famille".  Mais pourquoi pas, après tout ? Elle est celle que l’on pense toujours responsable et réfléchie, sérieuse quoiqu’il arrive mais peut être aurait elle eu envie de tout plaquer et de pouvoir passer ses journées à lire en écoutant de la musique, à refaire le monde en portant de belles robes longues aux imprimés fleuris ?

Etre si proche d’elle et finalement ne pas la connaître autant que je le pensais, restera toujours déroutant. Comme de se dire qu’un jour, nos parents ont été « autre chose» que nos parents, surtout lorsque vous tombez sur une photo de votre père ressemblant à un Beatles (au tout début de leur carrière) avec sa guitare... J’aimerais tant pouvoir être une petite souris qui remonte le temps et lever une partie du voile…

Dis, Mummy, qui étais-tu vraiment à mon âge ?