« Ici, c’est la fausse vie pour toi comme pour moi. D’ailleurs pour supporter l’insupportable, j’ai toujours l’impression que nous sommes dans un film. Mais quand Claude Sautet va-il dire « coupez » ? « (p.88)
Ce roman est le témoigne bouleversant d’une femme qui aime un homme. Ce dernier vient de faire un accident vasculaire cérébral et le diagnostic est terrible, sa femme est à son chevet, notre narratrice est reléguée au second plan, elle n’est que la « maitresse ». Les codes sociaux ne prennent pas en compte les sentiments, ni le fait qu’il allait quitter son épouse…
Elle, qui vouvoie son amant, nous raconte son enfer. Celui d’être mise de côté qui n’est rien en comparaison de ce que vit son amant. Enfermé dans son propre corps, ne communiquant que par des battements de cils.
A ce moment là du récit, on peut se demander clairement s’il s’agit de fiction ou de réalité tant ce personnage semble proche de Jean-Dominique Baudy, le rédacteur en chef du magazine Elle qui en en décembre 1995 est victime du même accident cérébral qui le plonge dans cet état de « Locked-in – syndrome ». Conservant toutes ses capacités intellectuelles, il dicte grâce à ces battements de cils, le livre « Le scaphandre et le papillon », qui sera ensuite adapté au cinéma. Je n’ai lu ni vu, ni l’un ni l’autre. J’en ai bien sur entendu parler, lu des articles de presse évoquant son expérience.
La narratrice se souvient des bons moments, du premier baiser. De son enfance aussi. Des mauvais aussi comme ces voyages au centre de rééducation, l’abattement qui suit les visites, le désarroi face à la situation, la douleur de le voir si diminué. Cette nouvelle vie qui n’en est plus une et ce deuil qu’il faut déjà faire, du vivant du malade. C’est la fin de l’histoire. Un autre est venu, l’espoir est revenu et c’est finalement très rassurant de pouvoir penser que cette femme est heureuse, après avoir traversé cetteépreuve. Ce n’est pas un happy end, ce serait trop facile. C’est tout simplement la vie qui continue, elle n’oublie certainement pas puisque, dix ans après, elle se permet de raconter sa vision des choses.
Il y a beaucoup de pudeur dans les mots, une sincérité évidente. Ce récit si touchant se révèle prenant, on comprend très vite la détresse mais aussi l’amour, on sent presque l’odeur de l’univers hospitalier qui contraste tant avec nos quotidiens…
Est-ce que je me suis sentie un peu "voyeuse"en lisant ce court roman ? Plutôt. Est- ce que c’est un livre que je conseille, malgré tout ? Assurèment.
Ce n’est pas forcément un livre que j’aurais choisi de lire tant son sujet se révèle délicat. Je suis cependant heureuse d’avoir pu le découvrir (en avant-première !) grâce au site "Chez les filles " et aux éditions Denoël que je remercie.
Je vous recommande le billet d’Hélène (encore un nouveau blog à lire !) qui se très juste ( que se soit sur le livre en lui-même ou l'opération).